un café en compagnie de l'ex-femme (tristan&gabrielle)

Vous savez quand vous savez qu'un certain jour approche, vous ne savez pas quoi en penser. Vous ne savez pas si vous avez hâte ou bien si vous redoutez ce moment. Depuis quatre jours, c'est ce que je ressens. En fait, je ne sais pas ce que je ressens. Je sais bien que ce jour, il fallait qu'il arrive un jour ou l'autre. Quand on est adulte, il y a des moments plus difficiles que d'autres, il faut simplement réussir à passer par dessus. Aujourd'hui, à 15h, pour être plus précis, Gabrielle m'a donné rendez-vous au café Chez Monique. Elle est revenue il y a 2 ans de son voyage d'aide humanitaire, où elle est restée pendant une année. On s'est vu à quelques reprises, toujours avec un léger malaise. On est divorcé, mais nous sommes restés en bon termes... du moins je crois. Alors pourquoi est-ce que cette rencontre m'intimide tant? Après tout on s'est vu il y a pas si longtemps... OK, un mois et c'était par hasard dans un supermarché. Je sais pas pourquoi, mais j'ai évité de parler de ma nouvelle copine, par politesse quoi... mais j'ai le droit d'être heureux, après tout ça va faire 3 ans qu'on est divorcé, et plus longtemps que l'amour n'est plus là!

Je suis devant la porte du café. Je respire un bon coup et j'entre. Je la vois, elle est dos à la porte, mais je reconnais ses cheveux, que j'aimais tant jouer avec entre mes doigts. Mais qu'est-ce qui me prend? Ressaisis-toi. J'arrive à la table, gros malaise. Je lui fais la bise ou pas? Non, pas bonne idée. Je m'assois face à elle. « Pardon pour le retard... » C'est ce que je redoutais le plus : ce malaise, il est toujours présent. Mais bon, il faut faire avec.

Au secours ! Il était quatorze heures et Gabrielle venait de débarquer, sans prévenir et en sous-vêtements, dans la chambre de sa meilleure amie. Elle avait trois tenues dans les bras, qu'elle déposa sur le lit avant de s'y affaler également. Elle commençait à sentir le stress monter en elle, comme à chaque fois qu'elle devait revoir son ex-mari, et elle cherchait à se rassurer. Orlane râla : Ah non, je ne t'aiderai pas. Je t'avais prévenu que je ne participerai pas à tes bêtises. Gabrielle prit sa moue irrésistible avant d'utiliser sa petite voix d'ange : Allez, s'teuplaîîît. Juste, dis moi quelle tenue je dois choisir. Sa colocataire soupira, mais céda. En regardant les vêtements sélectionnés, elle lâcha : Je ne sais même pas pourquoi tu accordes autant d'importance à ça. Tu ne comptes pas le "re-séduire" de toute façon, n'est-ce pas ? Le regard d'Orlane se braqua instantanément sur elle, pour analyser sa réaction. Non ! Je t'ai déjà dit que je n'ai plus de sentiments pour Tristan. Un mélange de répulsion et de stress avait guidé ses propos. Elle était convaincue qu'ils n'étaient pas faits pour être ensemble mais il restait le seul homme pour qui elle avait eu des sentiments amoureux et elle ne pouvait pas tirer un trait sur cela. J'espère vraiment. Je ne veux pas que tu sois encore blessée. Gabrielle la prit dans ses bras. Bon, allez, mets cette robe et dépêche toi, tu n'as plus qu'une demi-heure. Orlane lui tendait une robe bordeaux moulante, qu'elle s'empressa d'enfiler avant de finir de se préparer en se maquillant et en se coiffant rapidement. Elle sauta dans une paire de hauts talons, remplit une pochette de tout ce qui lui serait utile et jeta un dernier coup d’œil à son reflet. Mais oui t'es belle ! Allez, va-t-en ! Elle sourit à sa meilleure amie et sortit de leur appartement. C'était tout ce qu'elle avait besoin d'entendre.

Gabrielle avait finalement réussi à atteindre le café à l'heure convenue. Ce n'était par contre pas le cas de Tristan. Elle s'installa donc seule, tripotant une mèche de cheveux en réfléchissant à ses problèmes du moment. Elle n'entendit même pas la porte du café s'ouvrir et quand le jeune homme arriva près de sa table, elle fut surprise. Elle lui sourit timidement mais elle le sentit gêné, ce qui ne la rassura pas du tout. Elle sentit une boule se former dans son ventre instantanément. Il s'installa sans même lui dire bonjour, et la boule se déplaça dans sa gorge. Le vent soufflait, mais le message était assez clair. Pardon pour le retard... Étant données les circonstances, Gabrielle resta assez froide quand elle répondit : Pas de problème. Tu veux boire quoi ?

Une fois les commandes prises, elle lui demanda, l'air de rien : Alors, comment tu vas ? Qu'est-ce que tu racontes de nouveau ?

C'est le genre de rencontre qu'on fait qui nous stresse mais qui ne le devrait pas. Après tout, c'est mon ex, et pas un premier rendez-vous. Pourtant, je ne sais pas ce qui me prend à stresser autant. Tellement que j'arrive en retard et j'oublie même de la saluer. Quel con, elle doit bien se dire qu'elle a fait le bon choix de me quitter (même si techniquement, la décision s'est faite à deux). Je m'assieds face à elle, m'excusant pour le retard. Et j'oublie de la saluer. Il me semble que c'est une marque de respect, quand on rencontre quelqu'un. Mais c'est trop tard, je ne suis pas pour lui dire : "oh, excuse-moi, j'ai oublié de te saluer". J'aurais l'air encore plus idiot. Elle répond d'un ton assez sec, (ce que je mérite, après tout, j'ai oublié de la saluer). J'essaie de me reprendre : « Je crois qu'un café ne serait pas de trop. » Nous restons silencieux jusqu'à l'arrivée de la serveuse, puis elle rompt le silence en me demandant comment je vais. « Oh, ça va, ça va... on travaille fort au garage, mais vivement nos vacances au mois d'août! Et toi, quoi de neuf? » Évidemment, ce n'est pas le moment pour lui annoncer que j'ai une petite amie. Nos boissons arrivent, je prends une gorgée de mon café. Qui me brûle la langue, bien sûr. J'essaie de ne pas trop grimacer, mais ça marche à moitié.

« Je crois qu'un café ne serait pas de trop. » Elle inspira une grande bouffée d'air silencieusement. Essayant de se « décrisper » un peu, elle fit apparaître un petit sourire sur son visage et sa voix se fit plus sympathique quand elle ajouta : « Pareil pour moi. » Depuis leur divorce, elle ne savait pas vraiment comment se comporter avec Tristan. Malgré que depuis deux ans ils aient continué à se donner des nouvelles, Gabrielle avait toujours des difficultés à trouver sa place. En plus d'avoir été son compagnon pendant huit années, Tristan avait représenté beaucoup de choses à ses yeux (un meilleur ami, un confident, un protecteur,...) et en très peu de temps, elle avait tout perdu. En effet, le divorce avait remis en question toutes leurs relations. Encore aujourd'hui, elle ne savait pas ce qu'ex-femme signifiait pour Tristan mais elle était intimement convaincue qu'elle ne pouvait plus compter sur lui « comme avant ». Le fait qu'elle n'ait même plus le droit à la bise confirmait assez clairement ce qu'elle pensait. Mais, malgré qu'elle ait conscience de l'absurdité de cette pensée, elle ne pouvait pas se résoudre à le perdre. Pendant l'année entière qu'elle avait passé à l'étranger, elle avait compris une chose : peu importe comment il la considérait, elle avait besoin qu'il fasse partie de sa vie car elle tenait (et elle tiendrait toujours) à lui.

« Oh, ça va, ça va... on travaille fort au garage, mais vivement nos vacances au mois d'août! Et toi, quoi de neuf? » Encore mal à l'aise, elle se força à le regarder et à répondre, le plus naturellement possible : « Pareil, c'est les vacances d'été donc il y a beaucoup plus de clients et en plus, je me suis inscrite à deux formations... Sauf que moi, j'ai pas de vacances avant mi-septembre. Veinard ! -elle prit un ton faussement agacé pour le taquiner- Tu as prévu de partir, du coup ? » Évidemment, c'était la dernière personne à qui elle souhaitait parler de sa demande d'adoption. Leurs deux cafés furent servis et Tristan se jeta sur le sien sans qu'elle n'ait le temps de le prévenir. Quand il tenta de cacher qu'il s'était brûlé, elle ne put s'empêcher de sourire. « Je n'ai rien vu », lâcha-t-elle avec un petit clin d’œil.